15 octobre 2023

Tout est double. Il y a deux silences, un silence qui vient de ce qu’il y a quelque chose qui est su mais non-dit. Vous savez bien ce que vous en pensez, mais vous ne le dites pas, ou vous le dites mal, ou vous le réduisez en silence.
Et puis il y a un silence qui est du non-su. Un silence qui me saisit, mais dont la parole va dans le fond de mon être. C’est tout à fait important. Il y a un silence qui ne vient pas de quelque chose que je sais, que je ressens, et que je ne dis pas, parce que je ne peux pas, ou parce que je ne veux pas… Mais il y a un silence dont la parole va vers le fond, va vers l’être. Un silence dont l’expression, dont la manifestation, dont la silenciation est parole intériorisée. Je dirais, une parole qui va dans mon être, qui devient hors d’atteinte de ma parole, de mon expressivité, de ma possibilité de parler. Ce silence est intéressant. C’est une espèce de parole, une parole silencieuse dont le mouvement n’est pas de s’exprimer, mais de se perdre dans un fond où elle demeure parole et silence en même temps. Ça a l’air compliqué, mais c’est Monsieur Jourdain faisant de la prose, c’est banal ce dont je vous parle. Je ne crois qu’au banal, à la banalité du métaphysique. Mais je crois à la Réalité. Autant l’expérience, le mystère est banal, autant la présence est, ou n’est pas réelle.

Mounir Hafez – 2 février 1994