Un jour, quand vous aurez lu ces considérations sur la naissance de l’art, et la raison de la trace que cherche à laisser l’homme, quand vous aurez réfléchi et laissé mûrir en vous cette notion beaucoup plus moderne d’Henri Michaux, qui dira : « L’artiste, – l’homme, nous tous, mais l’artiste est une sorte de plus que homme -, l’artiste est celui qui résiste de toutes ses forces à l’impulsion fondamentale de ne pas laisser de trace ». Il y a en lui quelque chose qui lui dit : « Mais efface-tout, efface-tout, efface toi, ne laisse pas de trace »! L’artiste est celui qui résiste aussi, qui dit : « Mais je veux laisser une trace ! Je veux célébrer ! » Et ici reprenez contact avec les thèmes de Nicolas de Staël, ou d’un grand peintre, ou d’un grand artiste. La trace qu’il laisse efface sa trace. La trace que laisse un peintre, c’est l’effacement de sa trace. C’est la mise au monde de l’effacement de sa mise au monde.
Mounir Hafez – 1 février 1995