Héraclite demande aux pêcheurs : « Avez-vous fait une bonne pêche ? »
« Oui, ce que nous avons pêché nous l’avons rejeté à la mer, mais ce que nous n’avons pas pris, nous le ramenons chez nous. » C’est ce que je n’ai pas, que j’ai.
Ce que je n’ai pas ressenti comme amour, ce que je n’ai pas compris comme signification, ce que je n’ai pas fait avec le corps, ça, c’est mien, j’habite avec ce que je n’ai pas reçu. Mais le « moi » lui, il dit : « Les poissons que j’ai pêchés, je les mange. » Le sage dit : « Ce que j’ai pêché, ça ne m’intéresse pas, je le rejette. Je n’essaie pas de profiter de l’expérience que j’ai faite.
Mais ce dont je n’ai pas l’expérience, ça c’est à moi, ça c’est chez moi. »
Mounir Hafez – 24 mai 1989