Mounir Hafez

Mounir Hafez

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Lumière éblouissante
douceur et tendresse infinie
fraîcheur et jeunesse étonnante
des yeux étincelants, brûlants
une peau de plus en plus transparente
caché dans l’apparence d’un gentleman sportif
toujours prêt à dédire à l’instant même une pensée travaillée depuis des années
toujours prêt à sursauter

être vue dans les profondeurs où je ne puis me toucher
être acceptée même dans ma folie
trouver que ça me regarde, que je suis concernée
se sentir portée, accompagnée pas à pas
être aimée profondément

expliquant avec une patience infinie à travers toujours de nouvelles images
la philosophie, la physique moderne
ouvrant la porte à l’art en quoi l’art dépasse la nature
voir d’une nouvelle lecture des traditions
les vivre à travers ses paroles vivantes
être à la recherche de…
transporté par un entre-les-paroles
vivre à plusieurs étages
labourant nos cellules, aussi à notre insu
mangeant nos résistance
retirant les tapis où nous voulions nous installer
il nous a permis de naviguer sans limite à travers les siècles et les mondes
de comprendre ce que nous ne comprenons pas

être appelé à sa propre responsabilité
être appelé à travailler par ses propres moyens,
de créer, d’exprimer, de se voir comme un aspect d’un processus
de se mettre à l’écoute
d’être son propre laboratoire
appelé d’être compagnon aussi nul que je sois
d’approfondir son propre questionnement
de se tenir visiblement la main pour une œuvre jamais accomplie
dans un dialogue continu

Maître et ami,
touché par une joie inconnue
dans une gratitude infinie
pour la grâce de cette rencontre

Mounir

votre D. K.

Pour moi la vie n’est pas devenue plus simple, mais elle est devenue plus riche. Je sens une responsabilité de réaliser dans ma vie quotidienne ce que j’ai compris. L’influence de Mounir m’a transformée et m’a donné une vision plus large et plus profonde des rapports. J’ai appris à comprendre une transformation et je vais faire dans ma propre vie mes petits pas pour y contribuer.

Brigitte Mäder

Le plus haut des arts dans notre existence (Dasein) est certainement d’éveiller l’humain à l’homme, car nous ne savons pas ce qu’est l’homme. Ceci était l’art le plus souverain de Mounir. Ces paroles tintaient de l’au-delà (étaient imbibées du son de l’au-delà). Il a su éveiller et nourrir l’au-delà dans l’homme, il nous a carrément opérés. Il était Maître de l’indicible de l’éternel (de l’éternité) – Qui parle volontiers des choses qui dépassent de loin les dimensions humaines ? – La pureté de Mounir au plus large du sens de ce mot et son inexprimable beauté surmontent toute description de ce Maître. Et ainsi étaient aussi ses paroles et j’en étais toujours touchée et sa présence me mettait sans le vouloir dans un état d’étonnement. Il a fait naître l’homme dans l’humain, il était créateur de parole, de la vie, de l’univers. Il a aimé son art. L’écouter était toujours la plus profonde (haute) attention et en même temps révélation salutaire.

Un Maître de la création !

Esther Francke

Mounir a été pendant des dizaines d’années notre Maître. Nous sommes un couple qui avons eu la chance de participer aux rencontres et séminaires qui ont eu lieu en Suisse. Les dernières années notre fille pouvait aussi participer. Ces rencontres ont marqué nos vies et celle de toute notre famille. Ce n’étaient pas des instructions dans le sens commun. C’étaient des introductions dans des « mondes suprasensibles ». On ne nous a pas transmis des connaissances dans un sens académique, la transmission a eu lieu dans les corps pour ainsi dire, d’une voix méditative.
Une rencontre a été introduite par :

« Je ne sais pas si j’ai besoin de parler, tout est là.
Donc servez-vous, je vous en prie. Self-service. »

Ou autre part :

« Vous êtes des dieux et vous n’êtes rien. »

Ces introductions nous donnent lieu de réfléchir. Le monde sensible ne serait pas du tout possible, sans cette « autre » dimension non-tangible.

Fred Zumbrunn

Nous avons connu Mounir plus de vingt-cinq ans. Il nous a enseigné avec toujours la même compétence, la même patience, la même noblesse d’âme, depuis le début jusqu’à la fin. Son langage était clair et riche en expressions et bien compréhensible pour nous étrangers. Il nous menait petit à petit à nous connaître mieux, selon l’inscription sur un temple grec : « Reconnais-toi toi-même » (« Gnosis seauton »).

Heidi Zumbrunn

Cher, Cher Mounir…

… Combien je vous oublie, vous laisse de côté, vous spolie, alors que si j’accepte une petite plongée en moi-même, mon corps, lui, se souvient…

Sa présence à nulle autre pareille, matinale, corrosive… exaltée de tendresse.

Un souffle exprimant comme un élixir de joie des cœurs qu’il pétrit sans relâche, traquant les petitesses, les fuites, les masques.

L’œil vif et malicieux, regard si jeune de l’aigle dans un corps brisé par les ans, le profil aigu tendu vers l’autre, l’Autre en l’autre.

Les mots de votre bouche s’envolent, libres et incisifs. Leurs rondes entraînent les consciences dans leur course. Frappées de stupeur, nos forteresses se lézardent : ce que nous racontons ne tient plus face à ce raz-de-marée qui nous condamne à inventer un sol à chacun de nos pas, et qui semble crier : « Haut les cœurs ! »

Curieusement, hors de nos rencontres nos vies semblent se structurer, se simplifier, s’éclairer par l‘« évidence » d’un tel contact. Invisible et profonde, une entaille béante change la « donne ».

Quelque chose de secret et d’infiniment précieux se fraie un passage envers et contre nous, et pourtant nous l’avions bien cherché, puisque déjà trouvé.

La présence aimée de Mounir se conjugue toujours au présent malgré son départ, et on ne peut pas ne pas le chanter et le danser, même si la neige de l’espace-temps mondain recouvre tout d’un manteau sourd et immobile…

Christine

Un violent orage, une tempête est venue frapper la vitre de mon opacité, lors de notre première rencontre. Je ne pouvais réagir, je ne pouvais réagir, sinon assister impuissant au déferlement de toutes ces questions, ces interrogations, ces investigations qui se déchaînaient au-dehors.

Et je demeurais ainsi, abasourdi et curieusement exalté. Oui c’était cela, c’était comme cela et pas autrement, que se posait la question de l’homme et de son destin.

Comme il me semblait, je l’avais toujours attendu et, c’était comme pour la première fois.

Ce sentiment d’une étrange familiarité, qui nous rapprochait tout en nous maintenant à distance.

Cette étrangeté, où nous prenions réellement, un air de famille.

Qu’elle était coupante, brisante cette fêlure, qui creusait et entretenait tout en même temps cet entre-deux, cet « Entre Dieu ».

Et, qui, continuait sa vie de fêlure, à notre insu, sans jamais coïncider avec le quotidien.

« Nous n’étions pas contemporains de nous-même » nous aviez-vous lancé comme une provocation joyeuse, et entre nous, nous mesurions combien, surtout nous n’étions pas contemporains de vous, Mounir.

Mais peut-être ainsi se constituait cette communauté d’Uniques, celle qui ose le désir, celui qui s’installe à tout jamais dans le défaut de comprendre.

Celle aussi qui maraude en lisière de ce champ ouvert sur l’Inconnu et ne peut habiter que ce qu’elle quitte.

De ce champ dévasté, il nous fallait emporter l’éclat de rire, et de cette maison en feu, la flamme.

Il fallait parcourir nomade, no-mad, pas si fou et pas si fier.

Entrée dans le no mad’s land, ce Sans Lieu du lieu tenant de Dieu.

Où, pour seuls guides, nous tenaient de chaque bord, la folie et la mort.

Toujours en dérivation, en chavirement, comme « ces Iles » de votre frère Henri Michaux, qui « Incessamment chaviraient dans notre océan », nous vous suivions séduits, détournés par le rebord pour plonger dans l’eau devenue claire des grands mythes fondateurs.

Atalante semant ses pommes d’or, le Minotaure au labyrinthe, Orphée et Eurydice, Tantale, la lettre volée, Alice et les étagères vides. Il nous fallait entrer dans l’arène tel le taureau pétrifié de son invincibilité. Et tendrement se laisser recouvrir par vous de ce fond d’or, issu par Pure tendresse, d’une Venue à Soi qui n’aboutit jamais.

Qui ici présent, le ressent encore, le fumet délicat et décapant de ce « coq haut vint », qui au jour naissant tenait tête en criant : « quand veau, comme veau, mais bœuf. »

Il eut beau crier, tempêter, taper du pied, et du pied et du pied… il tourna court bouillon.

Et toujours cet appel au grand large, où l’étrave du navire de haute ligne se soulignait d’une écume lumineuse, la Brillance du bateau.

Cet état aveuglant, cette lucidité qui est la blessure approchée du soleil, enfin nous délivrait de notre identité usurpée.

Pour nous livrer tout autre que nous-même et plus nous-même, que nous-même.

De ce frottement avec l’Autre, des objets brillants, des traces lumineuses, émergeaient en surface pour circuler librement et donner forme à toute forme.

Pour donner aux fleurs ici assemblées, le loisir d’éclore leur bouquéïté.

Il n’y avait pas de fer qui ne rougissait de ce savoir laisser faire.

Par voie d’Alchimie vous extrayiez de notre individualité-matière première, le rejoint membre à apparitionnel de notre réel « Être Là ».

Autorisant ainsi sa disparition immédiate, signe intangible de notre Pauvreté Originelle.

Votre absence parmi nous est le garant du Passage de tous les passages.

Il n’y a pas ici, de milliers d’Instants, que je ne pourrais partager avec vous tous, maintenant.

Mais il est un moment où se souvenir n’appartient plus au langage, mais au Silence.

Clôture de la parole, en laquelle nos chairs enfin unies, pour toujours et depuis toujours, reçoivent l’Etreinte du Bien-Aimé.

Ce passionné Baiser qui scelle nos cœurs et autorise à nouveau de se toucher.

Autorise, dans une ultime audace, à te tutoyer Mounir, pour vous dire : « Je t’aime », toi que je n’ai pas su aimer.

Pascal

La terre est en deuil : un tel homme ne peut pas mourir ! »La terre est en deuil : un tel homme ne peut pas mourir !

Nous sommes orphelins : un tel homme ne peut pas mourir !

Qui fera désormais s’élever ce chant ?

Qui rassemblera ce avec quoi nous dialoguions ?

Qu’en sera-t-il des joyaux que vous ciseliez devant nous ?

Qu’en sera-t-il de la torche qui nous tirait à l’avant de nous-même ?

Vous nous avez appris à distinguer les détresses des tricheries, à goûter les courants forts du beau et de l’amer, et puis la joie, la joie profonde, et cet autre silence par où l’être se fait.

Vous nous avez appris ce lieu où l’on redresse, pardonne, réhabilite, ce lieu qu’il est loisible à chacun d’établir ou bien de déserter.

Porter à maturité notre attitude secrète à vivre, disiez-vous, moudre le dur, se reconnaître vulnérable mais aussi se dresser : par toutes ces alchimies nos désespoirs désamorcés, se retrouvent postés à l’angle d’immenses territoires vierges.

Et des pans entiers de votre discours nous reviendront comme des vents cosmiques, appelant renaissance, poursuite, couronnement, appelant élagage.

Vous nous invitiez à côtoyer par la pensée la lisière du pensable, à préférer l’acte, à l’énoncer, à l’inscrire sur le linteau d’un seuil que vous aidiez souverainement à franchir.

Nous le savons : ce qu’on appelle votre mort n’a rien de conclusif ; elle ne fait que renforcer l’implacable regard par lequel se discernent les différents étages de notre âme, elle engage à maintenir toujours, par la violence et puis l’apaisement, cet horizon clair d’au-delà de nous-même.

Et votre absence ne fait que rendre cette injonction plus forte : le cri, le cri du divin, la fête de l’instant !

Par votre parole vivace, un autre deuil commence, plus profond,

où le même, où le soi-même ne peuvent que s’abolir.

Celui qui un seul jour entendit cette parole

Jamais ne manquera à son visage de vivant.

Pierre

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